Ou comment leur faire comprendre qu'on n'est pas une feignasse.
Pour fêter la nouvelle année, j'ai demandé à mes warriors sur Instagram quels sujets ils aimeraient que j'aborde cette année. La réponse qui a le plus retenu mon attention a été celle-ci : "Fibro et l'entourage... Comment leur faire comprendre que l'on n'est pas "juste fainéante" ?".
Vaste et problématique sujet que celui du regard de l'autre ! Je vais tout de même essayer de vous donner 6 conseils, qui je l'espère vous aideront.
Conseil n°1 : faites le tri
Pour moi, si vous ne deviez retenir qu'un seul conseil, c'est celui-ci. Avant d'essayer de faire comprendre à la personne en face de vous ce que vous vivez, il est primordial d'identifier à quel type de personne elle appartient : celui qui a envie de comprendre ce que vous vivez ou celui qui n'en a strictement rien à faire ?
On ne va pas se mentir, on connaît tous des personnes dont les avis sont bien tranchés et qui n'en changeront jamais. Ce sont pour moi, à la fois les cas les plus faciles et les plus difficiles à gérer. Mais comment est-ce possible, me direz-vous ? Tout simplement parce qu'elles aussi peuvent être de nouveau séparées en deux catégories : ceux que l'on est obligés de fréquenter (les collègues, les beaux-parents, la nounou du petit dernier... Les cas difficiles) et ceux qui ne sont que de passage dans nos vies (la personne devant vous à la caisse du supermarché, l'oncle éloigné, les vieux amis... Les cas faciles).
Une fois ces deux tris effectués, je vous invite à appliquer les conseils suivants.
Conseil n°2 : exit les personnes toxiques !
Commençons par les personnes de passage dans nos vies qui ne veulent rien savoir.
Tonton Robert prend un malin plaisir à vous rappeler, à chaque réunion de famille, qu'à votre âge, il travaillait à l'usine, parce que lui, il était motivé et ne voulait pas passer sa vie à dépendre des allocs ?
Votre super copine d'enfance, sous l'excuse de s'inquiéter, vous pousse constamment à faire des efforts parce que sinon votre mari va forcément vous quitter ?
Il est temps d'agiter le drapeau rouge ! La maladie, comme toutes les phases difficiles de la vie, nous permet de nous rendre compte des relations toxiques que nous acceptons par sentiment de loyauté souvent familiale ou amicale. Mais la loyauté ne soigne pas la fibromyalgie, et au contraire peut renforcer notre mal-être. Alors, oui, au début, c'est très dur de dire stop. Il faut prendre le risque de hausser la voix et d'être déçu des réactions de l'autre. Il faut accepter que certaines personnes à qui l'on tient n'aient pas forcément la même vision de notre amitié. Il va falloir assumer de dire à notre mère que l'on ne veut plus voir son frère parce que, franchement, il nous gonfle et qu'on a plus grave à gérer au quotidien. Et dans le pire des cas, il va falloir se demander si finalement le divorce ne vaut pas mieux qu'un enchaînement de reproches et de culpabilisation au quotidien.
J'ai moi-même fait un très grand tri autour de moi pour ne garder le lien qu'avec ceux qui me comprennent et qui m'aiment autant depuis que je suis malade que quand j'étais en pleine santé.
Conseil n°3 : acceptez que tout le monde n'ait pas envie de comprendre
On s'attaque pour moi aux situations les plus difficiles : celles des personnes qu'on est obligées de fréquenter et qui ne veulent rien savoir.
Comme il est légitime de vouloir que collègue C. arrête de vous faire des remarques cinglantes, il est tout aussi légitime pour lui qu'il n'ait pas envie de rajouter la compréhension de vos problèmes de santé à ses propres soucis. Dans ce cas, l'incompréhension ne se situe pas entièrement de son côté (même si on est d'accord, c'est un abruti), mais aussi du nôtre.
Pourquoi donnons-nous autant de poids à l'avis de ce collègue ? Les raisons sont multiples et souvent très personnelles, mais elles sont de l'ordre de la peur et de l'affectif. Dans ce cas, ce ne sont pas eux qu'il faut convaincre, mais nous-même. Nous convaincre qu'au final leurs avis ne comptent pas. Que ce qu'ils peuvent penser de nous et de notre maladie ne regarde qu'eux. Alors, oui, je sais, c'est plus facile à dire qu'à faire. Je suis hypersensible et ces comportements négatifs m'ont moi-même entraînée jusqu'au burn-out. Deux fois. Il m'aura fallu un paquet d'heures chez la psy pour ne plus le vivre comme une injustice.
Cependant, je peux tout de même vous donner une petite astuce : laissez vos émotions exprimer le fait que vous êtes blessé par leurs remarques. Pleurez, ronchonnez, crachez sur leur médisance, râlez auprès de votre collègue sympa qui vous comprend, elle. Bon, évitez quand même de claquer les portes. Ça fait du bruit et du coup vous devenez celui qui enquiquine les autres à votre tour.
Après tous, si les personnes en face de vous se donnent le droit d'exprimer leurs sentiments en jugeant de la gravité de votre état de santé, alors n'épargner pas leur manque d'empathie en prenant sur vous-même et en refoulant les vôtres. En plus, cela les mettra mal à l'aise (ok, c'est de la vengeance mesquine, mais j'assume). Accepter qu'ils n'aient pas envie de comprendre ne veut pas dire pour autant que vous devez devenir masochiste. Non, il faut "juste" comprendre qu'essayer de les convaincre ne servira à rien et que c'est donc à vous de vous défendre face à ce que cela vous fait ressentir. Laissez sortir la douleur morale et ne revenez plus dessus. La rumination, il n'y a rien de pire.
Et pour vous protéger encore plus, quand vous devez affronter ces personnes, chantez la chanson suivante dans votre tête : "ton avis ne compte pas ! La fibro, c'est du caca. Si tu ne me crois pas ? C'est tant pis pour toi !" (vous retrouverez la version enregistrée de cette magnifique chanson sur mon Instagram). Testé et approuvé lors d'une discussion paternaliste.
Conseil n°4 : indiquez leur où et comment s'informer
Changeons maintenant de cible pour communiquer avec ceux qui veulent comprendre. Dans un premier temps, je pense qu'il est important de les aider à savoir où se renseigner. En effet, si vous êtes à la recherche de conseils, c'est que votre parole seule ne suffit pas (et c'est bien dommage !).
Je sais que je vais enfoncer une porte ouverte, mais encouragez-les à lire (ou à regarder des vidéos) ! Il existe plusieurs sources d'informations que vous pouvez conseiller en fonction de la personne avec qui vous discutez.
Pour les cartésiens, je vous conseille de les orienter vers des publications scientifiques (comme le rapport de 2020 de l'Inserm, le livre du Dr Dumolard...), ou d'aller à la rencontre d'associations.
Pour les plus anciennes générations (par exemple mon papa de 82 ans), encouragez-les à lire des articles de presse. Même si je ne suis pas très copine avec les journaux, je suis obligée de reconnaître que cette génération leur apporte toujours beaucoup de crédit.
Pour les plus jeunes générations, il existe plein de comptes Tik tok, Instagram, de blog (comme le mien !) qui communiquent sur le sujet.
Attention, si vous êtes fibromyalgique, vous savez qu'il y a des médecins encore fibrosceptiques. Je vous conseille donc de dire à vos proches de ne pas demander leurs avis aux médecins de famille. Par exemple, le médecin traitant de mon père (qui est plus proche de la retraite que du début de carrière) lui a dit que "oui la maladie existe, mais c'est une maladie psychiatrique". Il a été compliqué par la suite de faire comprendre à mon père qu'il s'agissait de l'état des connaissances des années 70-80 et que cela avait bien changé depuis.
Conseil n°5 : faites leur vivre votre vie
Pour comprendre, certaines personnes ont besoin de vivre une expérience. C'est plus facile de se mettre à la place de l'autre si l'on a déjà ressenti son vécu.
Ainsi, dès qu'un de mes proches se plaint d'une très grosse fatigue à cause de la covid ou de la grippe ; d'avoir le cerveau en compote à cause de la fièvre ou encore d'être plus sensible que d'habitude aux stimuli à cause d'une gueule de bois, je saute sur l'occasion pour leur expliquer que ce qu'ils ressentent à ce moment précis, c'est mon quotidien. Et que malheureusement, dans mon cas, ça ne passe pas en 24 à 48 h.
Si vous êtes assez à l'aise avec la personne, vous pouvez aussi prendre le temps de lui présenter en détails votre mois à venir. Quand mes collègues ont compris que j'enchaînais le travail et les RDV médicaux (en moyenne 5 par semaine), ils ont été beaucoup moins médisants sur la nécessité de mon mi-temps thérapeutique.
Si vous ne travaillez pas, n'hésitez pas à partager en toute transparence combien vous gagnez par mois avec les aides. Je pense que certains ne se rendent pas compte que ce n'est pas avec les 956,65 € d'AAH, ou les 782,20 € d'indemnités journalières que vous allez pouvoir partir en vacances aux Bahamas cette année. Je ne connais pas grand monde qui vivrait volontairement en dessous du seuil de pauvreté (pour rappel 1 102 € par mois en 2022) juste par fainéantise.
Je suis une grande fan de jeux de simulation. J'ai alors eu envie de mettre en place une activité de sensibilisation qui fonctionne plutôt bien. Faites porter un poids de 2 kg sur chaque poignet et chaque cheville à la personne et demander lui maintenant de réaliser des activités classiques du quotidien comme aller chercher le courrier, faire à manger, etc. Très rapidement, la personne va être essoufflée, va se plaindre de douleurs... Tous les mouvements seront plus lents. Ça ne vous rappelle rien ? Maintenant, faites lui remarquer la délivrance qu'elle a ressenti après les avoir retiré. CQFD.
Conseil n°6 : acceptez de montrer vos faiblesses
On le sait tous, le paraître fait partie du quotidien du fibromyalgique. On fait toujours semblant que tout va bien et qu'on ne souffre pas. Soyons clair, on le fait souvent pour nous-même plus que pour les autres. Je ne sais pas vous, mais au bout d'un moment, je me fatigue et m'énerve toute seule à toujours me plaindre de mes douleurs. Surtout que ça leur donne encore plus de place à ses fichues douleurs. Sauf qu'à trop bien cacher les choses, comment voulez vous que la personne en face de vous vous croit quand pour une fois vous avez le courage de dire "non ça ne va pas".
De ce fait, il faut affronter la peur de montrer qu'on n'est pas toujours au top. Exit le maquillage pour dissimuler les cernes et le teint blafard. On assume de laisser transparaître l'épuisement. Je vais vous avouer un petit secret. Une fois, alors que je travaillais encore à 100 %, je me suis réveillée avec des douleurs partout, un fibrofog de fou et une monstrueuse envie de rester sous la couette. Je suis quand même allée au travail. Mais j'avais vraiment envie qu'on me fiche la paix pour que je puisse travailler à mon rythme. Je me suis donc maquillée ce jour-là. Non pas pour cacher ma sale tête, mais au contraire pour l'accentuer. J'ai foncé mes cernes et éclairci mon teint. Et bien ça a marché ! Toute la journée, mes collègues m'ont dit d'une manière bienveillante "t'as vraiment l'air pas bien, n'en fait pas trop". En rentrant, j'étais tiraillée entre la honte d'avoir triché et la frustration d'avoir à rendre visible l'invisible pour être crue.
Si vous êtes assez intime avec la personne, vous pouvez aussi lui faire lire tous vos comptes-rendus médicaux. Je ne sais pas vous, mais j'ai investi dans un porte vues dédié à la fibro (violet pastel. Il est trop beau !) pour quand je rencontre un nouveau médecin. Rien que quand je le sors, je vois déjà le changement d'attitude de la personne en face de moi. Cela marche aussi avec vos dossiers MDPH (de 30 000 pages), vos cartes CMI...
Après tout si les "sachants" (les médecins et les organismes de l'État) reconnaissent votre condition, il n'y a pas de raison que cousine Ginette ne le fasse pas.
Si finalement, vous doutez de la volonté de la personne à comprendre et que rien ne marche alors revenez aux conseils 2 et 3.
Prenez soin de vous mes warriors !
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