Lorsque nous nous sommes mis d'accord avec mon médecin traitant pour que je passe en arrêt long (il parait qu'avoir des pensées suicidaires à cause de l'épuisement, c'est une bonne raison...), je culpabilisais tellement de ne plus travailler que je me suis mis en tête de m'organiser une semaine parfaite. L'objectif était à la fois de contrer mon syndrome de l'imposteur, de lutter contre le déconditionnement à l'effort et de me donner bonne conscience.
La semaine idéale
Il fallait donc m'organiser de manière à concilier soins, activités et repos. Armée de mon bullet journal, mes crayons de couleurs et mon agenda, voici l'organisation que j'avais imaginée.
Mercredi
Je commence exprès par le mercredi comme c'est la seule journée de la semaine où je n'ai pas de rendez-vous de santé.
8 h - lever 🛏️
9 h - douche et petit déjeuner ☕
10 h - activités créatives ou travail sur le blog 💻
12 h 30 - déjeuner 🍽️
13 h 30 - marche ou ménage🚶🏻♀️
14 h - activités créatives ou travail sur le blog 🪡
15 h 30 - repos 🎮
17 h 30 - courses ou balade avec Antho (mon époux) 🛒
18 h 30 - cuisine 🔪
19 h 30 - dîner devant un film ou une série 📺
20 h 30 - bullet journal 📔
22 h - au lit 🛌🏻
00 h - dodo ! 🌙
Lundi
8 h - 15h30 - idem au mercredi
18 h 15 - balnéo 🏊🏻♀️
19 h 30 - 00 h - idem au mercredi
Mardi
8 h - 12 h 30 - idem au mercredi
13 h 30 - repos 🎮
14 h - psy 👂🏻
15 h - kiné 💆🏻♀️
15 h 30 - 00 h - idem au mercredi
Jeudi
8 h - 15h30 - idem au mercredi
16 h 15 - balnéo 🏊🏻♀️
17h30 - repos 🎮
19 h 30 - 00 h - idem au mercredi
Vendredi
8 h - lever 🛏️
9 h - douche et petit déjeuner ☕
10 h - repos 🎮
11 h - kiné 💆🏻♀️
12 h 30 - déjeuner 🍽️
13 h 30 - repos 🎮
14 h - 00 h - idem au mercredi
Et le week-end, on improvise avec Antho selon les envies et la fatigue.
Le deuil du quotidien
Comme je pouvais être naïve. J'ai dû tenir le rythme pendant 2 semaines grâce à ma bonne volonté. J'espérais vraiment que cela me permettrait de reprendre des forces tout en me permettant de retrouver rapidement de bonnes conditions pour retourner au travail. Malheureusement, Mme fibro et la vie en général (je vous détaillerais mes mésaventures dans ma prochaine saga "la fibro et le travail") m'ont rappelé qu'être victime d'une maladie chronique et invalidante, ce n'est pas une partie de plaisir !
Je me suis rapidement rendu compte que j'en demandais trop à mon corps. Il n'arrivait pas à suivre la cadence. J'avais beau faire tous les efforts du monde, je ne pouvais pas tenir mon emploi du temps magique. J'ai alors commencé à comprendre pourquoi plusieurs instagrameuses parlait du deuil du quotidien dans leurs postes.
L'ennemi des gens organisés
Depuis que je suis en arrêt (20/12/2021), j'ai appris qu'avec la fibro je n'ai pas le choix : il faut oublier toute notion d'organisation (excepté les rendez-vous médicaux... et encore ! Il m'est arrivé d'en annuler à cause de la douleur). Il est purement impossible de prévoir à l'avance de quoi sera fait demain. Voir, il est même impossible, quand on se lève le matin, de savoir comment se déroulera la journée. Exit, l'agenda. Tout se fait à la minute. La control freak en moi le vivait très très mal, soyons honnête.
Forcément, cela a des conséquences sur la vie sociale. Difficile de prévoir à l'avance si vous aurez la force de garder votre filleul ou d'aller à l'anniversaire de Machine. L'envie est là ! Mais vous n'avez pas entendu votre réveil parce que vous êtes en pleine crise d'hypersomnie, ou vous n'arrivez pas à avoir la force de vous habiller... alors jouer avec le plus mignon des petits garçons, mais qui a une tonne d'énergie à dépenser... Même pas en rêve !
Le bourreau de certaines de vos passions
Innocemment, vous vous dites que, quitte à être en arrêt, c'est le moment de finir tous les projets que vous n'avez pas le temps de terminer en temps normal. Là aussi, on déchante très vite. Finis les heures passées derrière la machine à coudre ! Finis l'apprentissage de la danse du 30e anniversaire de Disneyland Paris. Finis la conception de bijoux en résine (la force qu'il faut pour sortir tout le matériel suffit à vous épuiser...). Fini les heures passées sur la rédaction d'un communiqué de presse, la création d'une affiche ou la réalisation d'un plan de com' (oui, mon travail avant d'être mon travail, c'était ma passion).
Bref, tout ce que vous ne pouvez pas faire sur des créneaux de moins de 30 minutes depuis le confort de votre canapé, on oublie ! Vous me direz "ouais, mais attend, on t'a vu à Disney l'autre jour ! Tu ne te moques pas un peu de nous ?". Et c'est là tout le paradoxe. Ce dont les gens ne se rendent pas compte, c'est qu'une journée comme ça, ça se prépare et surtout ça se paie derrière.
Une journée à Disney, c'est :
ne rien faire pendant 48 h avant pour se préparer ;
ne pas passer la journée dans le parc (le corps décide de l'heure à laquelle il accepte de se mettre en route et quand c'est fini) ;
prendre la quantité maximum d'antalgique de niveau 2 dans la journée (soit 100 mg de poudre d'opium, dont 10 mg de morphine. Ce que l'on ne fait pas quotidiennement sous risque de pharmacodépendance) ;
dormir pendant 48 h après (bon en vrai, je n'ai dû dormir que 40 h sur les 48) tout en étant incapable de bouger à cause des douleurs pendant les quelques heures d'éveil.
Maintenant, imaginez ça appliqué au travail.
"Hello patron, je sais pas à quelle heure je serais là lundi et à quelle heure je partirais. Par contre, je ne pourrais pas bosser mardi et mercredi. Pour jeudi, idem. Sinon, pour faire plus d'heures faudra que je prenne un max d'opium et je risque de finir en désintox. Du coup, on fait comment ?".
Et puis Disney, c'est bon pour lutter contre le déconditionnement à l'effort et le syndrome anxio-dépressif !
L'impression que vous ne servez plus à rien
Comme j'ai pu vous le présenter dans mon article sur les 1001 symptômes de la fibromyalgie, ce syndrome vous diminue non seulement physiquement, mais aussi cognitivement. Se voir petit à petit perdre ses capacités est une véritable torture. Plusieurs sentiments extrêmement négatifs prennent alors toute la place laissée par ce que vous ne savez plus faire : perte d'estime de soi, sentiment d'être un poids pour ses proches et la société, syndrome de l'usurpateur... Vous avez l'impression que vous ne servez plus à rien. Par exemple, de très bons amis à moi organisent en ce moment même un festival sur les cultures de l'imaginaire. J'ai vraiment voulu leur donner un coup de main pour la com'. J'avais vraiment envie de m'impliquer comme j'avais pu le faire quand j'avais organisé un festival sur le Japon. Malheureusement, la fibro a gagné notre petit combat interne et je n'ai pas pu faire tout ce que je voulais. Du coup, la culpabilité et la honte s'installent. Je ressens que je ne suis pas à la hauteur. Que je n'aurais jamais dû m'engager. Que je suis une gêne pour eux... Et pourtant, ce sont des amours qui n'arrêtent pas de me dire que ce n'est pas grave. Mais tel un parasite, la perte de l'estime de soi continue de s'installer bien confortablement.
Cette impression est alimentée, consciemment ou non, par toutes les remarques inhérentes aux handicaps invisibles. "Tu pourrais faire un effort", "pourquoi tu ne fais pas plus de sport ?", "Avant, tu étais capable de travailler sur plusieurs dossiers en même temps et tenir les deadlines."... La maltraitance s'installe elle aussi au quotidien et exacerbe ces pensées négatives jusqu'à en venir souvent aux pensées suicidaires. Récemment, une personne d'un de mes groupes de paroles à avouer penser au suicide, pas parce qu'elle avait spécialement envie de mourir, mais plutôt parce que la mort représentait pour elle une idée de repos. La fatigue morale et physique est tellement forte qu'on serait prêt à tout donner pour que ça s'arrête, même sa propre vie. Je pense que tout fibromyalgique (ou personne victime d'une maladie invalidante) passe forcément par cette idée de mort à un moment ou un autre.
Celui qu'on était avant la maladie est mort.
On le fantasme, on le regrette, mais il faut en faire son deuil. Il faut faire le deuil de son quotidien, de sa vie d'avant, mais surtout de soi. Ce n'est qu'à ce prix qu'on pourra atteindre le saint Graal : la résilience.
Et donc, ça ressemble à quoi tes journées ?
Une journée type, ça n'existe pas. Il y a des jours avec (où je peux faire plusieurs activités sans soucis) et il y a les journées sans (où Netflix et Audible sont mes seuls amis vu que je ne peux physiquement pas sortir de mon lit).
Mais, j'ai quand même eu envie de vous présenter comment se passe la majorité de mes journées. On n'oublie pas d'y ajouter les séances de balnéo, de kiné et de psy qui deviennent alors les activités "avec force" de la journée.
9 h - on se force à sortir du lit 🛏️
9 h 15 - on fait une séance de Remedee pour faire disparaître les raideurs de la nuit en prenant le petit-déjeuner et en faisant une activité douce (lecture, jeu sur portable...) 📖
11 h - on fait une activité qui demande plus de force comme se doucher (oui, vous avez bien lu, ça demande de la force), écrire un article sur le blog, faire un peu de ménage. 💻
12 h 30 - on déjeune 🍽️
13 h 30 - deuxième séance de Remedee avec activité douce ou une sieste (de 30 minutes à 3 h selon la fatigue). Dans les bons jours, c'est généralement le créneau où j'ai le plus de force.
16 h - troisième séance de Remedee avec généralement une activité créative devant un film ou une série (dessin, broderie, bijoux en perles...) 🪡
17 h 30 - repos 🎮
20 h - dîner devant un film ou une série 📺
21 h - bullet journal 📔
22 h - au lit 🛌🏻
01 h 30 - dodo ! (j'aimerais bien avant, mais M. Cerveau ne veut pas) 🌙
Merci d'avoir pris le temps de me lire.
N'oubliez pas de partager cet article et d'en parler autour de vous. Cela pourrait aider l'un de vos proches.
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